- CASSANDRE (1901-1968)
- CASSANDRE (1901-1968)CASSANDRE ADOLPHE JEAN-MARIE MOURON dit (1901-1968)Adolphe Jean-Marie Mouron, dit Cassandre, naquit à Kharkov en 1901 de parents français. Il arrive en France à l’âge de quinze ans. Il entreprend des études, vite interrompues, à l’École des beaux-arts, devient ensuite l’élève de Lucien Simon et s’inscrit enfin à l’académie Julian.Son premier succès sera dû à l’affiche réalisée en 1923 pour le magasin de meubles Au bûcheron . Deux ans plus tard, cette œuvre lui vaut de recevoir le grand prix de l’Exposition internationale des arts décoratifs. Il sera désormais considéré comme le principal représentant du mouvement «art déco» qui s’inspire, pour l’essentiel, des conceptions cubistes et futuristes. Paul Colin, Jean Carlu, Charles Loupot constitueront avec Cassandre, aux yeux de la critique et du public averti, une sorte d’équipe animée par des tendances communes. On les appellera parfois les «mousquetaires de l’art déco».En 1925, l’affiche réalisée par Cassandre pour L’Intransigeant , d’une grandeur presque tragique, lui vaut de rester, aujourd’hui, au-delà de la remarquable publicité qu’elle fut, le symbole inégalé de la puissance de la presse. Dès ses premières œuvres, l’artiste met en pratique — et avec quelle efficacité! — cette conception de l’affiche choc, de l’affiche «coup de poing» mise en avant par Cappiello.Les commandes des compagnies ferroviaires et maritimes lui donnent l’occasion de réaliser une série d’œuvres puissantes, dramatiques: Nord express et Étoile du Nord (1927), LMS Best Way et Londen (1928), Normandie (1935). La seconde — L’Étoile du Nord — est à juste titre considérée comme son chef-d’œuvre. Il sait faire ressortir, en les simplifiant, jusqu’à en faire des signes — mais des signes tendus vers une accélération sans fin —, les indications suggestives de la vitesse. Les agencements de rails, bielles et roues motrices seront repris par des artistes comme Fix-Masseau, en France, Abram Games, en Grande-Bretagne.L’affiche composée de trois images Dubo, Dubon, Dubonnet (1932) témoigne d’une fantaisie inhabituelle chez l’artiste, à cette époque. Elle restera sa réalisation la plus populaire.Cassandre attache une importance particulière au rapport rythmique entre les formes extrêmement épurées, monumentales, et la lettre. Dès 1929, il crée pour la fonderie Deberny et Peignot le caractère bifur (qui sera repris quelque cinquante-cinq années plus tard pour annoncer les spectacles du Théâtre populaire de Chaillot). En 1937, il dessine, à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris, un caractère nouveau, le peignot. Bien des années plus tard, il mettra au point un caractère qui porte son nom pour la photocomposition. Cassandre a défini le sens qu’il donne à l’expression typographique: «Dangereuse erreur: réduire la lettre à une simple architecture. C’est lui retirer ce qui fait sa vie même: le mouvement [...]. En fait, chaque lettre est un élément de rythme [comme le geste isolé d’une chorégraphie]. Ce rythme, elle le communique au mot, à la phrase, à la ligne tout entière, à la page.»En 1930, Cassandre est sous contrat avec Nicolas pour la réalisation de mises en pages publicitaires.En 1933, il amorce une orientation nouvelle de son art en concevant, pour Louis Jouvet, les décors d’Amphytrion 38 de Jean Giraudoux. Les relations qu’il entretient avec le peintre Balthus lui font regretter de ne pas être connu surtout comme peintre. Pourtant, c’est bien l’affichiste à qui le musée d’Art moderne de New York consacre, en 1936, une rétrospective. À cette occasion, Cassandre signe un contrat avec la revue Harper’s Bazaar , par lequel il s’engage à fournir un certain nombre de couvertures.L’occupation de la France lui donnera l’occasion de se tourner de plus en plus vers la peinture. Il fera, en particulier, les portraits de Coco Chanel (1942), de la vicomtesse de Noailles et du poète Pierre Reverdy (1943). Ces portraits en pied le montrent très influencé par Balthus. En 1942, la galerie René Drouin expose sa production picturale de plusieurs années.Au lendemain de la guerre, les organisateurs du festival d’Aix-en-Provence lui demandent la maquette du théâtre de plein air. Il aura aussi l’occasion de réaliser pour ce festival le décor de Don Giovanni (1950).En 1950, le musée des Arts décoratifs lui consacre une grande rétrospective. Il est encore très sollicité par les entreprises: il invente des caractères de machine à écrire pour Olivetti, des pochettes de disques, des logogrammes... En 1963, il réalisera le monogramme d’Yves Saint-Laurent. Mais, dans la rue, c’est un de ses anciens élèves et assistant qui a pris la relève: Savignac.En 1959, Cassandre décline l’offre qui lui est faite par André Malraux de prendre la direction de la Villa Médicis, à Rome, poste qui reviendra finalement à Balthus. En refusant cette responsabilité, il renonce à être reconnu comme artiste à part entière dans un domaine qui n’est pas celui de la peinture traditionnelle. Ce faisant, il contribue, contre lui-même, à maintenir la distinction établie par la critique et le public cultivé entre graphisme publicitaire et peinture, distinction qui porte préjudice au premier.Tourmenté par ce qu’il considérait comme un échec — son activité picturale — il se donna la mort le 17 juillet 1968.
Encyclopédie Universelle. 2012.